[inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

discussions sur l'histoire, l'économie, la sociologie des jeux de l'imaginaire, etc...
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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

En effet, ils faisaient essentiellement du minitel rose. Il doit d'ailleurs un avoir un numéro de COM avec une pub pour leurs "sites" en 3ème de couvertures (nous nous étions laissés avoir par surprise...).

Désolé mais je ne rappelle pas du tirage, les chiffres qui me viennent en tête sont 2,000 ventes et 4,000 tirages, ça fait du sens?

Ca y est, j'ai compris ton point de vue sur les jeux narratifs je crois, et ce n'est en effet pas exactement le même que le mien. Mais ils se recoupent pas mal. Je regarde surtout comment le système influence l'ambiance et le style de jeu, alors que tu insistes sur le fait que les règles doivent être "méta" et concerner la narration.
En bref: pour moi elles posent un cadre de "négociation" entre le DM et les joueurs, et pour toi elles régissent les façons possibles de construire la narration ensemble. Je reste donc en effet (tu l'as souligné) plus proche de l'esprit "sans règles" que toi.
Néanmoins je pense que nous nous retrouvons sur beaucoup de points car ce n'est pas très éloigné en pratique.

Typiquement le truc que je trouve extra sur Dungeon World est l'idée qu'à l'issue d'une actions une de ces trois choses doit se produire
- la narration avance significativement dans le sens d'un succès des aventuriers (10+)
- la narration se modifie puisque pour avancer dans le sens des aventuriers, ils doivent y perdre quelque chose (7-9)
- la narration avance significativement dans le sens d'un échec (6-)

C'est finalement ce que j'avais toujours fait en tant que DM sans jamais vraiment le formaliser ni le négocier avec les joueurs. Dans DW tout est clair, et la structure des fronts y aide considérablement puisqu'elle est compatible avec ces trois niveaux de modification de la narration (cf http://qui.revient.de.loin.blog.free.fr ... nts_PF.pdf):
- les dangers avec leurs destins funestes
- les enjeux
avancer "dans le sens d'un succès" veut dire éloigner le destin funeste, "dans le sens d'un échec" veut dire le rendre plus proche ; et les enjeux sont des éléments "qui se négocient". Ce n'est pas forcé de réussir 100% des enjeux pour éloigner un danger.

En ce qui concerne Cape, j'ai un peu regardé. Je trouve que c'est assez proche de SOAP (tu avais raison), mais avec des jets de dés en plus. Je ne suis personnellement pas certain que ce soit indispensable de faire autant de jets...
Qui plus est, je pense qu'il y a un problème de structure des règles de jet de dés (tu m'as demandé un point de vue de mathématicien...):
en équipe, c'est beaucoup plus efficace de faire baisser le score des adversaires que de monter le sien. Si les joueurs sont optimaux ils devraient se concentrer là dessus pour avoir un net avantage (en probabilité) sur ceux qui ne le font pas.
Je m'explique: si j'ai bien compris pour remettre en cause un "score" (ie un jet de dés), il faut avoir une caractéristique au moins de la valeur du score et on peut choisir de tenter de monter celui de son équipe ou diminuer celui des "adversaires".
ça veut dire que
- si je monte le score de mon équipe, un de mes coéquipiers aura plus de mal à avoir une occasion de le monter à son tour
- mais si je diminue celui de l'autre équipe, je facilite la possibilité d'intervention d'un de mes coéquipier par la suite (puisque le score sera plus bas)
un exemple:
- les score sont de 4 pour mon camp et 4 pour l'autre
- nous sommes 2 dans mon camp, avec des caractéristiques de 5 et 3, j'ai 5
- si j'intervient pour augmenter notre score, il n'y a aucune chance que mon coéquipier puisse m'aider
- si je diminue le score des autres, et que je l'amène à 2, mon coéquipier pourra intervenir
=> c'est beaucoup plus intéressant de diminuer le score des autres, il y a une forte asymétrie entre + et -
La stratégie optimale à plusieurs est de diminuer les score des autres (et si possible garder un coéquipier avec une faible caractéristique pour remonter le nôtre, car si les autres font la même chose il est probable que nos deux scores finiront à 1 vs 1...)

j'ai loupé un truc?



Maitresinh
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

Ca fait d'u bien d'avoir un esprit analytique a bord :)

Les tirages des autres revues me semblaient plus élevés. Dans tous les cas, une conclusion s'impose: l'existence de COM se doit au minitel rose. Et non pas à la croissance d'un marché (enfin, je suppose que le magazine était a peu pres à l'équilibre ?)

Sur les JN :

1/ oui, formulé comme ça, tes conceptions du système en termes de "médiateur de la discussion" se rapproche de l'idée d'un systeme...qui ne fait que ça et directement, explicitement ça. Avec deux réserves

1/ Dans les JN les plus "purs", on va jusqu'au bout: il n'y a plus de MJ. Le système devient alors d'autant plus nécessaire pour organiser cette discussion. Et c'est la qu'a mon avis, on pousse la logique le plus loin du JDR classique

2/ Malgré ta conception de la place du systeme, apparemment, tu restes sur l'idée qu’après tout il n'est pas si important. Ou alors qu'il peut rester implicite et vague, en s'appuyant sur le MJ comme arbitre. Ce qui est la logique traditionnelle et ce qui n'existe plus dans les JN (ou la "triche du MJ" n'a plus de raison d'etr).

Mais encore une fois tel que tu le formules, c'est assez proche (et tu sembles avoir bien intégré DW).

Pour Capes, ce qui m'a marqué dans ce type de jeu, quant à moi:

1/ c'est un jeu sans MJ. Or ça reste quelque chose d'assez rare et récent.
2 Pour fonctionner il a développé une véritable économie du jeu qui contrevient a un principe récurrent des JDR : les "libertés" prises par le MJ avec le systeme. C'est plus proche du JDP dans son fonctionnement, tout en servant le même but que le JDR
3/ La question que tu soulèves est à mon avis intentionnelle. car elle alimente le conflit plus directement.

Ceci dit, les jeux sans MJ ont des systemes assez différents. Polaris ou Mnémosyne par exemple. Plus proche de la définition que tu donnes, tu pourrais aimer Sword Without Master (en téléchargement gratuite sur le site). Il y a un MJ, mais intégré différemment aux joueurs...

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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

Merci pour tes explications, je comprend mainteant mieux les subtiles différences entre des règles souples et des "méta règles".
En ce qui concerne les jeux sans DM je suis un peu plus suspicieux : j'ai quand même l'impression que c'est "autre chose". Par exemple les jeux de figurines sont déjà sans DM, et ça donne forcément des parties moins scénarisées. J'ai quand même l'impression que dans un groupe de joueurs, ils y en a certains plus à l'aise avec la scénarisation et d'autres plus à l'aise avec la résolution de problèmes. Tu ne pourras jamais avoir d'énigme (au sens vrai) dans un jeu sans DM me semble-t'il, et les énigmes font partie de l' "expérience jeu de rôles". Sans DM tu peux avoir des retournements de situation "à la volée" mais la trame va se construire de façon "forward" (vers l'avant), et jamais "backward" (rétrograde). C'est au DM qu'il revient de mettre en place cette trame rétrograde, qui part de quelques éléments dans le futur et prépare des faisceaux d'événements qui y amènent. Les joueurs permette à l'aventure réellement jouée de "sauter" d'un faisceau à l'autre, plus les sauts sont grand et plus ça va être coûteux.
Ce que j'apprécie aussi dans Dungeon world, c'est que la méthodologie Fronts / Destins funestes / Dangers est un très bon guide de construction de cette trame rétrograde pour les DM débutants. Il m'a fallu personnellement beaucoup de temps pour aboutir à une méthodologie du même genre, c'est extra d'avoir un guide méthodo aussi clair partagé.

J'ai jeté un comp d'oeil à Swords without master et en effet c'est dans l'esprit de ce que j'aime, merci pour la référence.

je me permet de faire un peu de "pub" pour une page facebook que j'ai créée en référence à COM: https://www.facebook.com/chroniques.d.outre.monde/. J'y poste deux trois liens de temps en temps, rien de transcendant.

Maitresinh
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

Ces deux questions ("l'énigme" et la construction d'une histoire cohérente) reviennent tres souvent chez ceux qui découvrent le truc (ou seulement que ça existe). Mon avis:

1/ l'énigme n'est pas le vrai ressort au cinéma. C'est plutot l'ironie dramatique (donc justement, le truc que tu sais mais que des personnages ne savent pas). Je pense que cette idée s'est imposée dans le JDR a partir de D&D (trouver le repaire du Dragon) puis de Adc (un jeu d'investigation). Mais dans adc, c'est moins la solution de l’enquête qui intéresse que l'ambiance qui est autour.

2/ L'énigme -comme d'ailleurs tout le jeu- est coproduit par toute la table, dans un JDR classique. Combien de fois le MJ se nourri des phantasmes des joueurs exprimés à haute voix, plus intéressants/efficace que "sa" propre solution. Si tu admet ça, alors les JN approfondissent ce principe pour tirer le maximum de l'imagination collective.

3/ Les jeux "sans MJ" (au sens classique d'arbitre) ne proscrivent pas forcement "l'énigme" (l'asymétrie d'information). Il y a meme plusieurs jeux construits autour. En fait l'interet de l'enigme dépend du genre. Par exemple, dans une fiction de Super-héros "classique" tout tourne autour des personnages et de leurs dilemmes (vie publique/privé, devoir/famille, etc...). Pas de l'enigme. Donc le systeme va s'occuper de ce qui est important dans la fiction.

4/ Au fond je pense que ce qui dérange c'est l'idée récurrente c'est que le "secret" ne soit pas pre-existant "réellement" et à découvrir. Je veux dire, garanti par un joueur en dehors de la partie (dieu, la nature, les probas, à travers la fixation du niveau de difficulté, le MJ). Je suis convaincu que l'existence et le succes du JDR repose sur cette representation de la réalité, on va dire moderne, positive, objectivée. Donc on est toujours dans la paradigme de la simulation, qui revient par la porte. Ca "gratte" pour cette raison, il n'y a pas d'un coté notre idée du jeu et notre idée de la réalité. Ou dit autrement, on a du mal a penser en terme de fiction

Ceci dit, dans la pratique, les jeux sans MJ restent tres peu pratiqués par les rolistes. Et je dirais que les plus pratiqués (marginalement) sont les systemes qui reposent sur des regles legeres et une collaboration forte. Donc d'un coté, tu as raison, encore, au final.

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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

Une fois encore c'est une discussion très intéressante. En pratique j'ai l'impression que nous sommes d'accord, mais creusons le truc.

Voici mon cas d'école:
1. Le DM prépare une énigme, et les joueurs ne trouvent pas la solution. Tu as raison: il va les aider, mais en contrepartie il va leur enlever quelque chose (c'est typiquement le lancé 7-9 de dungeon world). Ils se renderons compte qu'ils ont raté un truc. Peut être qu'ils discuterons la trop grande difficulté de l'énigme, pour négocier le handicap.
2. Il n'y a pas de DM, les joueurs ne progressent pas. Disons qu'ils jouent à Capes et qu'ils passent leur temps à réussir un Objectif dans un sens, puis un autre dans l'autre qui les ramène au point de départ. Au mieux ils vont se coordonner pour faire avancer la Page, mais vont-ils convenir d'un handicap en échange? La discussion sur le handicap n'aura en fait jamais lieu.

Je ne dis pas qu'une configuration est "meilleure" que l'autre, mais que ça donne deux types de jeu différents. Et je pense qu'il y a une place pour les jeux qui réunissent des "problem solvers" (cf. le succès des "escape games"), il leur faut un DM.

Maitresinh
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

Dans capes - et les jeux compétitifs - les joueurs ne se coordonnent pas, par définition. C'est l'économie du jeu qui produit la régulation. Comme dans un jeu de plateau. Mais il n'y a pas non plus d'enigme, puisque ça ne correspond pas au genre. Comme dans un film, les joueurs voient ce que trament les autres, et je dirais que ca n'enleve rien au plaisir, au contraire, c'est différent. Comme un film encore une fois.

Ce qu'on y "perd" réellement, ce n'est pas ça. C'est plutot ce qu'il y a derriere cette idée du secret, plus généralement : l'immersion. Au final, la simulation de la réalité vise l'immersion. L'émulation de la fiction pas du tout, il y a une distance, meme si ca n'exclue pas, comme dans le drama, l'identification et l'implication. Enfin je pense.

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charles-albertlehalle
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par charles-albertlehalle »

Merci, tes explications sont très claires. Le point sur l'immersion surtout, c'est clairement ce qui fait la différence entre les jeux de plateaux et les jeux de rôles. Je ne suis en revanche pas certain que l'énigme soit si importante que cela, ni la qualité de la simulation. Je dirait que c'est le DM qui va créer l'immersion. Je pense qu'avoir des PNJ participe aussi à l'immersion.

Maitresinh
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Re: [inventaire] Interviews et témoignages d'acteurs

Message par Maitresinh »

oui c'est des catégories abstraites. Dans la réalité, les deux sont mélangés a plus ou moins grande dose. Dans un JN sans MJ, on penche presque à 100 % vers la fiction, avec de la distance. Dans un jeu RV, on est 100 % dans la simulation. Dans le JDR classique, on arrive avec les outils de la simulation (les probas, etc...) mais on essaie surtout de faire de la fiction (mais pas que, quand on se refere a la "réalité" probabiliste, à l'univers, etc...)

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